Tout d’abord, je voudrai dire que Ceci n’est pas un miroir est un roman qui est sorti de nulle part dans le sens où je ne l’avais pas vraiment préparé. D’habitude, avant d’écrire un roman, je cogite longtemps sur la thématique, je fais des recherches, je visite les lieux dans lesquels je compte faire évoluer les personnages, je construis toute l’histoire dans ma tête avant de la rédiger. Avec ce dernier livre, je me suis lancé dans la mer sans savoir ce qui m’y attendait. J’avais une idée vague. Je savais que je voulais parler du sentiment d’emprisonnement, du stress qui en résulte, de la promiscuité dans un espace clos, des conséquences du confinement, mais je n’avais aucune idée sur l’intrigue ni sur les événements. Autant dire que le roman s’est construit au fur et à mesure de l’écriture, ce qui était pour moi une nouvelle et excitante expérience parce que je créais des personnages et des situations sur le tas.
Lorsque j’ai commencé à écrire Ceci n’est pas un miroir, j’avais devant moi une seule chose : un personnage complètement déboussolé, désorienté à cause du confinement. Il fallait trouver les raisons de ce désarroi et en faire une histoire.
Petit à petit, les idées se présentaient et l’intrigue se précisait. J’étais aidé par les réseaux sociaux et par ce que j’y voyais et y lisais. Au fait, j’ai toujours considéré les réseaux sociaux comme un miroir pour les égos en mal de reconnaissance. Comme l’utilisation de ces derniers avait explosé pendant le confinement, je les ai intégrés dans le roman. J’ai donc eu l’idée de faire d’Ixe, le personnage principal du roman, un addict aux réseaux sociaux qui fera de son mur le prototype même d’un homme parfait qui ne jure que par les likes reçus. Autrement dit, je voulais montrer à travers lui que la valeur de l’homme moderne ne se mesure plus à son travail, à son honneur et à ses sacrifices, mais au nombre de like qu’il reçoit.
Ixe, comme des millions de personnes de nos jours, a bâti une forteresse autour de lui, faite d’images tronquées, de partages plagiés, de citations copiées, et surtout de sublimation de soi. Il vit dans un monde virtuel qu’il a modelé à sa guise et il a fini par s’y identifier au point de finir par croire que c’est cela la réalité.
Je me suis alors posé cette question : « Si l’homme moderne s’est construit une identité à travers les images, les commentaires, les likes qu’on lui adresse ; s’il a pris l’habitude de se voir dans les regards des autres, à travers les miroirs des autres, que se passera-t-il si les miroirs des autres se brisent ? »
La réponse est qu’il va se trouver dans l’obligation de se regarder dans son propre miroir. Et là, il va découvrir vraiment ce qu’il est. Sa vraie nature va ressortir et son animalité va prendre le dessus sur son humanité.
N’acceptant pas la nouvelle situation, Ixe finit par commettre l’irréparable et s’enfuit loin de la famille, de la ville, de tout. Il croyait ainsi fuir la laideur et la cruauté qui étaient enfouies en lui et qui ont refait surface à cause du confinement, à cause de la promiscuité et de la paranoïa qui se sont emparés de tout le monde. Il a fui dans l’espoir de se repentir, de se reconstruire, mais l’abîme qui est en lui est trop profond pour se dissiper facilement et au lieu de se sauver, il va se convertir en monstre.
Tout le roman s’articule donc autour de la vieille question du bien et du mal qui habite l’humain. Ce sont les circonstances qui font que l’un prend le dessus sur l’autre. Lequel du bien ou du mal va triompher chez le personnage de ce roman ? c’est ce qu’on découvrira à la lecture d’un texte qui jongle sans cesse entre la réalité et le rêve, entre le réalisme et le surréalisme.